Apprendre à aider
Les pensées suicidaires, épisode 3

« Et ce jour-là, elle me partage qu’elle a eu des pensées suicidaires, qu’elle ne va pas bien, et qu’aujourd’hui elle ne sait plus comment régler sa vie ». Ce troisième épisode vous guidera sur la meilleure manière d’aider une personne ayant des idées et comportements suicidaires.

Chaque année en France on dénombre 9 000 décès par suicides et 200 000 tentatives. Si les personnes les plus à risque de passage à l’acte sont les jeunes et les populations vulnérables, le suicide touche en fait toutes les classes d’âge et de catégories socio-professionnelles.

Dans cet épisode, Stéphanie et Anne, secouristes en santé mentale, vous partageront les expériences auxquelles elles ont été confrontées et comment elles ont pu apporter écoute, aide et conseils. Puis Christophe Debien, psychiatre au CHU de Lille et impliqué dans deux dispositifs de prévention du suicide (VigilanS et le 3114), apportera son témoignage d’expert sur les enjeux de la prévention.

Durée : 42 min

Les pensées suicidaires, pour aller plus loin

Retranscription de l’épisode

C’est l’histoire de Julie qui a fait une tentative de suicide, de Pierre qui boit trop. C’est aussi l’histoire de Nathalie qui rêve chaque nuit de son accident de voiture. Vous aussi vous connaissez peut-être quelqu’un qui est concerné par un problème de santé mentale. Chez PSSM, Premiers Secours en Santé Mentale, nous sommes convaincus qu’engager une conversation peut tout changer.

Je m’appelle Oriana et je vous souhaite la bienvenue dans cette discussion où se mêlent témoignages, histoires de vie et conseils pour tous ensemble briser les tabous autour des troubles psychiques. Vous écoutez Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale.

Selon un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé, Un peu plus de 700 000 personnes meurent chaque année par suicide dans le monde, ce qui représente un décès sur 100 et en fait l’une des principales causes de mortalité à l’échelle mondiale. Chaque année en France, on dénombre 9 000 décès par suicide et 200 000 tentatives..

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Introduction

Si les personnes les plus à risque de passage à l’acte sont les jeunes et les populations vulnérables, confrontées à des problématiques de discrimination, le suicide touche en réalité toutes les classes d’âge et toutes les catégories socioprofessionnelles. Le suicide peut être évité. La plupart des personnes suicidaires ne souhaitent pas mourir. Elles ne veulent tout simplement plus vivre avec la souffrance. Contrairement aux idées reçues, parler ouvertement des pensées et des idées suicidaires peut sauver une vie. Ne sous-estimez pas votre capacité à aider. Dans cet épisode, et à travers des témoignages de secouristes en santé mentale et d’experts du sujet, nous souhaitons vous aider à accompagner une personne ayant des idées et comportements suicidaires.

Entretien avec Stéphanie, secouristes en santé mentale

Bonjour Stéphanie

Bonjour Oriana

Vous êtes secouriste en santé mentale depuis un an environ. Est-ce que vous auriez une intervention un petit peu marquante à nous raconter ?

Oui, bien sûr. Alors la personne dont j’ai envie de vous parler, c’est une amie. Une amie qui, justement, tout juste quelques semaines après ma formation me partage une situation personnelle difficile. Alors ça faisait déjà quelques temps que je savais que ça n’allait pas très bien pour elle, qu’elle n’était pas en très grande forme. Et ce jour-là, elle me partage qu’elle a eu des pensées suicidaires, qu’elle ne va pas bien et qu’en fait, aujourd’hui, elle ne sait plus comment régler sa vie. Elle se dit que finalement, c’est peut-être en n’étant plus là que ce serait plus simple.

Autant vous dire que quand elle m’a annoncé ça, c’est toujours très très déstabilisant, bien évidemment. Ce qui a été perturbant, c’est le partage à chaud. Et en fait, tout de suite, pour le coup, j’ai eu cette chance d’avoir la formation encore très proche dans mon esprit. Là, il y a un peu d’émotion, forcément, qui est toujours présente. Et en fait, tout de suite, ça m’a mise en situation de me dire, OK, ce qu’elle te partage là, c’est important. Mon premier réflexe avant la formation, si je n’avais pas fait cette formation, aurait été justement d’aller vers elle et lui dire écoute enfin qu’est ce que tu es en train de faire mais non tu peux pas faire ça. On a besoin de toi tu as une famille tu as des enfants, regarde la vie. On aurait plutôt tendance à la culpabiliser d’aller dans cet espace là, qui est l’espace où en fait on se dit juste on a envie de protéger l’autre en lui disant que ce qu’il va faire c’est pas bien. Ce qui n’est absolument pas ce qu’il faut faire et c’est surtout, enfin c’est ce qu’on apprend en fait quand on fait la formation PSSM. La première chose qu’on vous apprend c’est de vous taire et d’écouter. Donc simplement déjà accueillir les paroles de l’autre et de se taire. C’est la clé. On laisse l’autre parler et ensuite juste de dire ok. J’entends ce que tu me dis, j’entends ce qui se passe, qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

Et on ne juge pas, parce que bien évidemment, à partir du moment où on va chercher à culpabiliser, on juge l’autre, on lui dit que ce n’est pas bien ce qu’il va faire. Donc, rester en retrait, dire ok, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? Comment je peux t’aider ? De quoi tu as besoin là tout de suite ? Et là, à ce moment-là, l’autre se sent accueilli et peut partager tout ce qui vient en fait. Et ce jour-là, ce qu’elle m’a dit, j’ai juste besoin que tu m’écoutes. J’ai besoin de toi, j’ai besoin que tu entendes ça, j’ai besoin de soutien. Ça faisait déjà quelques fois que comme elle n’allait pas bien, je lui proposais des coordonnées de psy ou de personne à aller voir, elle ne le voulait pas.

Là, ce jour-là, elle me dit ok, j’ai besoin de toi. J’ai plusieurs possibilités. J’ai dit pour ce sujet-là, je l’ai appris il n’y a pas longtemps en fait, quand on a des pensées suicidaires, on peut appeler le 3114. C’est une ligne sur laquelle tu vas avoir des contacts avec des psychiatres qui vont pouvoir t’écouter, des gens qui vont pouvoir te conseiller, te donner des informations. Et j’ai dit, sinon, tu sais, le thérapeute dont je t’ai parlé depuis longtemps, je te redonne ses coordonnées. Tu peux aussi l’appeler, il est dispo et en règle générale, il peut prendre assez vite a minima pour prendre un rendez-vous. A minima lui expliquer ce qui se passe. C’est ce qu’elle a fait, voilà, elle a pris ces informations-là que je lui ai données, elle les a notées.

Je lui ai dit, est-ce que tu veux qu’on le fasse ensemble ? Parce que moi, je ne suis pas quand même super confort avec ce que tu viens de me partager. Je suis inquiète. Pour le coup, je lui ai partagé ce que je ressentais. Je lui ai dit, moi, ça m’inquiète. Est-ce que c’est OK qu’on le fasse ensemble ? Elle me dit là je peux pas, elle me dit là j’ai mes enfants à aller chercher à l’école, je peux pas. Mais elle me dit je te promets, je le fais, je te tiens au courant. Et le soir même, elle m’envoyait un petit texto à 22h pour me dire j’ai écrit au thérapeute, on s’est eu au téléphone, j’ai rendez-vous dans deux jours. Pour le coup, la personne a été top, elle l’a pris très vite. Donc moi tout de suite, je me suis dit ok, tout va bien.

Après effectivement, je lui dis bon tu me tiens au courant, tu me dis comment ça va, je reste à disposition. Le plus important en fait, c’est d’être disponible. et que savoir que l’autre peut vous déranger peu importe l’heure finalement et le moment.

Comment va votre amie Stéphanie aujourd’hui ? Donnez-nous de ses nouvelles.

Elle va bien, elle va bien, elle va même très bien, puisque de fait elle a pris le temps de prendre soin d’elle, d’avoir un espace dans lequel elle a partagé ce qui n’allait pas, et cet espace lui a permis de raccrocher à tout ce que moi j’aurais pu lui dire. On est là, t’as une belle vie, t’as des enfants. Elle a juste eu besoin de l’entendre de quelqu’un d’autre et de le déposer.

Des fois, quand on vit ce genre de choses, on a juste besoin de pouvoir dire je ne vais pas bien, je suis malheureux et de rester dedans un temps, mais accompagnée. Et c’est ce qui s’est passé. Elle a eu besoin d’avoir cet espace-là et maintenant, elle va bien.

Tant mieux. Et qu’est-ce que la formation PSSM vous a apporté dans le cadre de ce secours que vous avez apporté à votre amie et puis certainement d’autres ?

Alors elle m’a apporté déjà de la structure et puis surtout la capacité à réagir, je dirais, alors froidement dans le sens plus adapté à la situation. Moi j’ai eu le cas il y a quelques années, je suis coach professionnel, donc j’accompagne des clients sur leur projet professionnel ou projet personnel. Et donc il y a cinq ans, j’ai un de mes tout premiers clients qui lors de la troisième séance me partage avoir… de grandes difficultés sur tout un tas de sujets et avoir depuis quelques temps des envies de mettre fin à ces jours. Autant vous dire que le jour où il m’a partagé ça, c’est quelque chose qui ne m’était jamais arrivé.

Donc je me suis retrouvée clairement un peu en panique en me demandant comment je gère cette situation, qu’est-ce que je fais ? Donc j’ai effectivement fait ce que je savais faire, écouter. Et en revanche, après je l’ai questionné en lui disant est-ce que tu as des… des pensées suicidaires, est-ce que t’as envie de te suicider ? C’est bien ce que je comprends. Donc il m’a validé, il a validé mon propos, alors autant vous dire qu’à ce moment-là, je me dis, mais qu’est-ce que t’as été lui raconter ? Pourquoi tu lui as posé cette question-là ? Parce que forcément, c’est un peu, bah c’était direct. Voilà, on a…

Vous ne saviez pas encore à l’époque que vous pouviez et vous deviez la poser cette question ?

Non, je ne savais pas du tout, on ne m’avait jamais expliqué ça et puis je n’avais pas été confrontée à ça dans mon ancienne vie, donc… Donc voilà, ça m’a beaucoup questionnée. Parce que je me suis dit comment on fait dans ces cas-là. Donc pour le coup, on a fait une séance où on a beaucoup décortiqué le sujet. On a pris du temps. J’ai pris du temps. C’est une séance qui a duré beaucoup plus longtemps que d’habitude. J’ai pris le temps d’être avec lui. Je me suis assurée qu’à minima, il prenne les contacts qu’il fallait. J’ai dit voilà, si tu as besoin d’aide, de soutien, je reste disponible.

Et en fait, ensuite, je suis allée chercher de l’information en me disant mais qu’est-ce que j’aurais pu faire à ce moment-là ? J’ai découvert un certain nombre de choses, mais pour le coup l’information n’était pas simple à trouver à l’époque. Et puis surtout avec la formation PSSM, j’ai découvert notamment le 31-14, et que sans être formée en tant que professionnelle de l’accompagnement, j’aurais pu à ce moment-là prendre mon téléphone, le poser et appeler ensemble et dire j’ai quelqu’un avec moi qui a des pensées suicidaires. Je ne sais pas comment faire, est-ce que vous pouvez m’aider et prendre le relais ? Et donc ça, c’est quelque chose que j’aurais pu faire et que finalement, on peut tous faire, j’ai envie de dire, si ça nous arrive, que ce soit un collègue, que ce soit un client, un ami. On a la possibilité d’appeler ce numéro et d’avoir des professionnels compétents qui prennent le relais parce que ce n’est pas toujours simple à gérer.

Et est-ce que ça a changé quelque chose dans votre regard sur les troubles psychiques ?

Oui, complètement. Alors déjà, il y a un élément qui est important. Savoir s’ajuster de la bonne manière, je trouve que ça permet déjà de voir les situations avec plus de recul. C’est important. Un élément qui est clé, moi j’ai une amie professionnelle qui est formatrice PSSM et qui nous disait depuis qu’elle avait fait sa formation en fait… On dit beaucoup que les gens sont fous quand ils ont une réaction inadaptée.

En fait, ils ne sont pas fous. Ils sont en souffrance, il se passe quelque chose. Il se passe quelque chose. Donc, d’aller au-delà des mots, au-delà des croyances. Prendre conscience que quand on voit ce type de comportement, il se passe quelque chose derrière. Et donc, d’aller questionner, de ne pas s’arrêter à juste ce qu’on voit. Aller questionner l’autre, aller à la rencontre de l’autre. En fait, on n’a rien à craindre. Il n’y a pas de danger. Au contraire.

Merci beaucoup Stéphanie.

Avec grand plaisir, merci Oriana.

Entretien avec Christophe Debien, psychiatre au CHU de Lille et impliqué dans 2 dispositifs de prévention du suicide (VigilanS et le 3114)

Christophe Debien, bonjour.

Bonjour.

Vous êtes psychiatre au CHU de Lille et vous travaillez dans deux dispositifs nationaux de prévention du suicide, Vigilance et le 3114. Pourriez-vous nous donner une définition de la crise suicidaire, du passage à l’acte et du terme de tentative de suicide ?

Alors je vais commencer par la crise suicidaire parce que, alors même si on parle de choses difficiles, de souffrances psychiques, il y a une bonne nouvelle, c’est que la crise suicidaire ça prend du temps. Il y a une image souvent qui est “on passe à l’acte du jour au lendemain”. Ça c’est en apparence, parce qu’avant il y a eu tout un processus.

Alors classiquement on parle d’un processus qui dure six mois. C’est histoire de donner un laps de temps mais bon. Et qu’est-ce qui se passe pendant ces six mois ? Eh bien la souffrance psychique qui est liée à une accumulation de problèmes va s’intensifier. Mais la personne qui ressent cette souffrance psychique, elle ne fait pas rien. Elle va essayer de trouver des solutions pour s’en sortir. Et en fait, c’est devant ces solutions qui ne vont pas fonctionner que la souffrance psychique va s’amplifier, s’amplifier, s’amplifier, jusqu’à ce que la souffrance soit insupportable. Et pour essayer de s’extraire de cette souffrance, il y a la tentative de suicide. Donc véritablement, on voit que c’est tout un processus.

La bonne nouvelle, c’est qu’on a du temps, quand on le repère le plus tôt possible, en fait c’est ça l’enjeu de la prévention, c’est de le repérer le plus tôt possible, au début du processus, pour arriver avant, bien avant le passage à l’acte. Le passage à l’acte, c’est ce moment… C’est quelques heures où il y a souvent ce qu’on appelle une goutte d’eau, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mais vous voyez, il a fallu que le vase se remplisse pendant ces six mois. Et cette goutte d’eau, vu de l’extérieur, va précipiter, vraiment va figer cette solution qui est trouvée, c’est de se dire comment je peux m’extraire de cette souffrance en n’étant plus là.

Heureusement, beaucoup vont soit s’arrêter juste avant de passer à l’acte, soit prévenir au moment du passage à l’acte, ce qui peut paraître paradoxal. Mais les gens n’ont pas envie de mourir. Les gens ont envie que la douleur s’arrête. Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est pour ça qu’ils préviennent même quand ils sont passés à l’acte. Et heureusement, nos collègues réanimateurs et autres sauvent beaucoup de gens. C’est ça qu’on appelle la tentative de suicide : “je suis passé à l’acte et heureusement, j’ai survécu”. Il y a des tentatives de suicide aussi qui sont arrêtées par quelqu’un d’autre. Lorsqu’il y a des tentatives de précipitation d’un lieu élevé, un témoin, quelquefois, qui va intervenir, qui va permettre de revenir en arrière. Donc, voilà, tout ça, ça peut être des tentatives de suicide sans qu’il y ait, heureusement, de décès derrière.

Et souvent, on entend dire que la tentative est une forme de chantage pour certains ou alors d’appel au secours pour d’autres.

Oui, alors ça, c’est… Je pense que c’est un moyen de rationaliser un petit peu ce qu’on pense être, nous. Notre impuissance en fait. C’est plus facile de dire c’est la faute de l’autre, c’est du chantage donc je ne vais pas y aller parce que je ne sais pas faire. Si je prends la deuxième expression appel à l’aide, si c’est un appel à l’aide il faut y aller. Quelqu’un qui appelle au secours, ce n’est pas quelque chose de péjoratif, au contraire ça veut dire qu’il va très mal. Et c’est une bonne nouvelle pour moi, ça veut dire qu’il est encore capable. d’appeler au secours. Parce que s’il passe derrière, derrière, il y a ce qu’on appelle, vraiment, il y a une restriction cognitive, c’est-à-dire qu’on n’arrive plus à penser, et quelquefois, on n’arrive même plus à communiquer. Et là, c’est une mauvaise nouvelle, parce que là, il n’y a plus de signe, on ne va plus aller voir.

Donc, cet appel à l’aide, non seulement, il faut le valoriser, mais il faut l’écouter, et aller vers, si on en est capable, et si on est formé, ça, on y reviendra sans doute. La question de chantage, je ne sais pas très bien ce que ça veut dire. Souvent, on dit qu’il fait une tentative de suicide parce qu’il voulait ça. Mais en fait, ça, c’est la goutte d’eau.

Il faut aller creuser. Peut-être qu’il l’exprime comme ça. Ça arrive que ça s’exprime comme ça. OK, on s’assoit. Mais pourquoi tu as besoin, pour demander cette chose-là, de menacer ? de mourir. Dis-le-moi autrement. Si tu me le dis comme ça, c’est qu’il y a une raison. Et on va s’asseoir et on va discuter. L’idée c’est vraiment de passer au-delà et de prendre un moment pour aller chercher ce qui se passe derrière.

Y a-t-il une population plus touchée qu’une autre ?

Ça c’est une bonne question, parce qu’il n’y a pas une population, il y a plusieurs populations et qui ne sont pas touchées par la même chose. C’est compliqué, la problématique suicidaire. Mais il y a une population que l’on voit beaucoup, celle qu’on voit le plus, qui fait beaucoup de tentatives de suicide, proportionnellement aux autres, c’est les 15-25, c’est les jeunes. Et effectivement ça nous marque beaucoup parce que la jeunesse c’est notre avenir. Donc heureusement. heureusement, ils meurent moins. Ils font beaucoup de tentatives de suicide, mais ils meurent proportionnellement beaucoup moins que cette autre population qui nous inquiète beaucoup plus, nous, quand on est soignant. C’est les hommes à partir de 45, entre 45 et 50 ans, qui, eux, meurent beaucoup plus et font beaucoup moins de tentatives de suicide.

Et puis il y a une troisième population dont on parle hélas très très peu dans notre société, même pas présente des discours politiques, ce sont les personnes âgées. Le troisième âge, le quatrième âge, je ne sais même plus comment on l’appelle, mais en tous les cas les gens qui ont plus de 70 ans et qui meurent aussi dans un silence mais alors complet. Chez les plus de 70 ans, il faut 1,2 tentatives de suicide pour un mort. Donc, en gros, la première tentative de suicide, c’est la dernière. Ce qui veut dire qu’il y a un énorme enjeu de prévention en amont du passage à l’acte.

Donc, vous voyez, il y a beaucoup de populations autour des problématiques suicidaires. Les jeunes, dont il faut s’occuper, parce qu’ils appellent à l’aide. Donc, ils sont en train de nous dire quelque chose. Donc, il faut y aller. Et puis, ceux qui meurent, qui meurent un peu plus… Sous les radars, j’allais dire qu’ils ne viennent pas aux soins et qu’il faut que nous, on s’habitue à repérer et aller chercher un petit peu plus.

Y a-t-il des facteurs de vulnérabilité ? Et si oui, quels sont-ils ?

Le processus de la crise suicidaire, ce que je vous disais, il s’installe. Il prend du temps pour s’installer. Il prend six mois en moyenne. Il ne s’installe pas par hasard. Il s’installe sur une accumulation, ce que je disais tout à l’heure, une accumulation de problèmes. Il y a des problèmes qui sont des problèmes de la vie courante. Une rupture. Ce n’est pas un petit problème, une rupture. Ça nous remet en cause nous-mêmes, ça remet en cause notre rapport à l’autre, notre rapport à nous. Déjà, ça c’est déjà lourd. Les deuils, qui sont très lourds aussi. Les dettes. Un certain nombre de problématiques sociales.

Mais il y a aussi notre histoire. C’est-à-dire que, alors, pour reprendre l’image du vase qui se remplit, je souris parce que c’est un camarade qui emploie souvent cette image, on ne nait pas tous avec la même taille de vase. Il y a des gens qui ont des gros vases, donc ils peuvent contenir beaucoup, beaucoup, beaucoup, puis il y a des gens qui ont des plus petits vases. Donc ça, ça fait partie aussi de… à la naissance. Et puis après, ce vase, on peut le façonner, on peut l’agrandir un petit peu, ou au contraire le rapetisser. Et ça, ça va être des événements de vie précoces, comme les violences faites aux enfants. Et la pire des violences faites aux enfants, c’est l’agression sexuelle sur les enfants, qui va remanier un certain nombre de choses et qui va rapetisser le vase. Et donc les événements de vie vont avoir beaucoup plus vite un impact, avec un risque que, lorsqu’il y a la dernière goutte d’eau, il y ait le passage à l’acte.

Et quels sont les signes d’alerte ? En cas de pensée suicidaire ?

Alors ça, c’est une très bonne question. C’est une question que nous posent beaucoup les proches. Les parents notamment, puisqu’on a parlé des jeunes, mais les proches de ceux qui ont fait une tentative de suicide, voire qui sont décédés par suicide. Toujours quand on est proche, on essaie de se dire “j’aurais dû voir”. Alors d’abord, quand on est proche, on ne peut pas voir. Parce qu’on a un masque devant les yeux qui est le masque de l’émotion, le masque de l’amour, je vais l’appeler comme ça en tous les cas. Et ça c’est la première chose.

Et la deuxième chose, ce n’est pas notre métier quand on est proche. C’est compliqué de voir la souffrance d’un proche. D’autant plus que le proche ne veut pas le montrer pour ne pas vous inquiéter. C’est un grand classique. Donc il y a déjà ça, c’est important de déculpabiliser les proches. Les proches sont là pour aimer, pas forcément pour repérer. Les signes, j’allais dire le principal signe, c’est vraiment une rupture avec le fonctionnement antérieur. Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire un gamin ou quelqu’un qui avait l’habitude de sortir, avait l’habitude d’être… très sociable, on va dire, de faire des blagues au boulot, quelqu’un un peu d’exubérant, qui du jour au lendemain, ou en tous les cas sur quelques jours, commence à moins parler, moins être présent. Pas forcément afficher de la tristesse, pas forcément l’afficher, mais en tous les cas, modification de son comportement, modification du sommeil.

Les recherches actuelles montrent qu’il y a… des perturbations majeures du sommeil dans les trois jours qui précèdent un passage à l’acte. C’est-à-dire que ça devient quasiment un symptôme, et là c’est le docteur qui parle. Vraiment d’aller rechercher, interroger les modifications du sommeil. Et un de nos collègues parisiens d’ailleurs étudie les cauchemars. Il y aurait une modification des cauchemars dans ces trois jours-là qui précèdent un passage à l’acte. Donc on aurait véritablement un marqueur d’un risque de passage à l’acte. On est encore dans la recherche, mais ça avance vite et fort.

Et alors maintenant, comment doit-on réagir face à quelqu’un qui a des pensées suicidaires ? Comment approche-t-on ? Une personne en crise suicidaire, comment aide-t-on cette personne-là en tant que secouriste ?

Alors avant tout, il faut se regarder dans une glace. C’est-à-dire, est-ce que je suis capable de le faire ? Est-ce que je me sens… alors pas en termes… c’est pas le bon terme, capable. C’est est-ce que je me sens de le faire ? Est-ce que je suis suffisamment disponible dans ma tête, dans ma vie, pour aller aider les autres ? On ne peut pas… aider les autres si on ne va pas bien soi-même. Ça, c’est vraiment une leçon. C’est une leçon pour les soignants aussi, qui l’oublient de temps en temps. Donc, c’est ça la première chose. Le premier réflexe, c’est ça, c’est est-ce que je suis en capacité, en disponibilité pour aller vers l’autre ? La deuxième chose, et c’est encore moi que je vais regarder dans le miroir, c’est est-ce que je n’ai pas peur d’aller vers l’autre ? Et donc, souvent, la peur, elle est liée à l’ignorance. Et donc, il faut se former. Les premiers secours en santé mentale, Sentinelle, c’est l’équivalent pour la crise suicidaire. Donc voilà, on va pouvoir sortir de cette peur par la formation. Ça, c’est important. Et puis, la troisième chose, c’est l’aller vers. Oser aller vers. On passe à côté de quelqu’un qui est sur un banc, un peu replié sur lui, qui a une attitude qui nous fait dire que peut-être il est triste. Attention, ça ne veut pas dire qu’il est triste. Et peut-être, moi, mon interprétation quand je passe à côté, c’est ça. Oser s’asseoir à côté et dire ça va, j’ai l’impression que vous n’allez pas bien. Voyez, c’est moi. Et l’autre, il va vous dire, non, tout va bien, c’est juste, je vais mal au ventre, c’est bon. Au contraire, il va vous dire, oui, ça se voit tant que ça. Et là, on commence. Et là, on y va. On commence à dialoguer. Et la formation, justement, les formations, puisque j’en ai cité deux au moins, Premier Secours en Santé Mentale et Sentinelle, vont nous permettre d’acquérir le vocabulaire, les objectifs, parce que l’objectif, ça va être d’aller… interrogés jusqu’aux idées suicidaires. Or, on a plein de tabous, on a plein de réticences à prononcer ce mot-là. Et donc c’est l’intérêt de cette formation, de savoir quand et comment prononcer pour y aller, parce qu’il faut ça. Et une fois qu’on a repéré, et que ça a été verbalisé, et bien là encore, la formation va nous permettre d’orienter. Parce qu’il est hors de question de transformer tous les citoyens en soignants. C’est pas possible. C’est comme si on disait tout le monde va être plombier demain. Alors on peut être apprenti plombier, oui, ça, à la maison, mais un vrai plombier, on peut pas l’être. Là, c’est pareil. Les formations, elles sont là pour nous armer suffisamment pour aller vers. poser les bonnes questions et orienter. Donc c’est vraiment ça, le cheminement qu’il faut avoir.

Et qu’est-ce que ça change dans la tête d’une personne en souffrance de lui demander clairement s’il compte se suicider ?

C’est magique. Il faut l’avoir vécu au moins une fois pour le comprendre. En fait, quand on a des idées suicidaires… A qui on les raconte ?

Personne certainement.

A sa compagne, son compagnon, pour l’inquiéter encore plus ? A sa maman ? A son papa ? A son prof quelquefois ? Donc d’où l’intérêt de former des gens comme ça, qui peuvent repérer. A une assistante sociale de quartier, quand on n’en peut plus, on peut déposer des petites choses. Mais en fait, à ses proches, la plupart du temps, on n’en parle pas. On n’en parle pas aussi parce que, notamment quand on avait mis en place le 31-14, on a fait des focus group avec des gens qui venaient de faire une tentative de suicide. On leur a posé un certain nombre de questions pour essayer d’avoir un dispositif qui soit adapté aux gens que l’on ciblait. Et beaucoup de gens qui avaient fait une tentative de suicide, ils nous ont dit, mais vous savez, moi le mot suicide, dans ma tête, il est venu deux minutes avant. Souffrance, oui. Et d’ailleurs, le 31-14, c’est souffrance. et idées suicidaires. Si on a pris ce terme, ça vient des patients eux-mêmes qui nous ont dit, mais le suicide, le mot n’était pas venu à ma conscience. Donc vous voyez, c’est aussi compliqué de déposer des idées dont je n’arrive pas à les mettre en mots. Et puis quand on a mal, on communique mal. Je ne sais pas si vous avez déjà eu la migraine, mais qu’est-ce qu’on fait ? Il y a votre compagnon ou votre compagne qui arrive vers vous et vous lui dites, il faut que je m’enferme, me mettre avec ma souffrance le temps qu’elle passe. On a cette tendance-là. aussi. Donc on a du mal à communiquer, les autres ont du mal à reconnaître. On voit bien à quel point c’est difficile. Et donc, du coup, il y a quelqu’un comme ça, avec qui je ne suis pas engagé émotionnellement, que je ne reverrai peut-être jamais, qui s’est assis à côté de moi, qui a fait preuve d’empathie, c’est le premier truc, qui a reconnu que peut-être j’allais mal, et qui me pose ce mot-là, lui. j’ai une espèce de soulagement, et je vous assure, ça se voit sur le visage des gens. C’est anxiolytique à ce moment-là. Attention, c’est bref, c’est très bref. C’est anxiolytique, il y a un soulagement sur le visage, et ils vous donnent toutes les idées, en détail, leurs idées suicidaires. Ils vont vous parler d’un plan, de ce qu’ils comptaient faire, etc. Donc il y a un effet très… de soulagement immédiat, bref, mais qui permet de faire des propositions pour aller un peu plus loin. Justement, là, il va falloir que je passe la main à un professionnel de santé.

Alors justement, expliquez-moi quels sont les relais que l’on peut déclencher rapidement lors de pensées suicidaires ou de risques de passage à l’acte avéré ?

C’est compliqué de vous répondre honnêtement parce qu’on est dans un moment où le système de santé va mal. Donc il faut aussi être honnête, dire aller voir un psychiatre, super, mais il faut le trouver. Je pense que le premier relais de proximité, c’est le médecin traitant. Le médecin généraliste. Je ne sais plus si on dit médecin traitant de famille ou je ne sais quoi. Le médecin généraliste. Il y en a encore. Il faut les préserver. Ils sont de proximité.

Ils essayent de se rendre disponibles, parce qu’après, il y a des difficultés. Alors, il y a les maisons de santé, ça dépend comment ils sont organisés. Mais le généraliste, c’est vraiment le premier contact assez facile. À l’école, il y a l’infirmière scolaire. C’est un chouette relais, l’infirmière scolaire aussi. Je ne parle pas des médecins scolaires, parce qu’il y en a tellement peu que c’est compliqué. Et puis, si vraiment on est désemparé, ou si on ne sait pas, il y a le 31-14. Donc ce nouveau numéro, il est là depuis octobre 2021, mais il est encore nouveau, il n’est pas encore en réflexe. Il permet de tomber sur un professionnel, une infirmière ou une psychologue, ou un infirmier ou un psychologue, qui non seulement va être capable d’évaluer le risque suicidaire, mais aussi d’apaiser au téléphone. On arrive à faire des choses au téléphone. On arrive à faire l’intervention de crise au téléphone et surtout de conseiller un accès à un certain nombre de ressources. Ils ont un annuaire. Il y a un centre de réponse par région. Donc ils ont un annuaire régional qui s’affine. Ça fait deux ans et demi, trois ans qu’on existe maintenant. Donc il s’est affiné. Et ils vont pouvoir conseiller des ressources au plus proche de celui qui appelle.

Rappelez-nous le numéro ?

Le 3114.

Merci Christophe Debien, merci pour votre éclairage.

Merci à vous.

Entretien avec Anne, secouristes en santé mentale

Bonjour Anne.

Bonjour Oriana.

Vous êtes secouriste depuis 2022. Est-ce que vous auriez une intervention, un témoignage à nous raconter ?

Oui, dans ma vie personnelle, j’ai été appelée par un de mes proches il y a quelques mois, qui lui-même avait été contacté par un de ses clients. Et ce jeune homme était très inquiet pour sa compagne. Sa compagne n’allait pas bien depuis quelques temps. Ce qui avait beaucoup effrayé ce jeune homme, c’était le fait qu’elle lui avait confié, qu’elle en avait tellement assez qu’elle pensait se passer par la fenêtre. Donc la personne de ma famille qui a été assez inquiète pour ce jeune, se souvenant que j’étais formée en santé mentale, m’a contacté, m’a demandé si je pouvais discuter avec lui. Donc on a convenu d’un rendez-vous qui ne s’est pas fait tout de suite parce que je travaillais, mais dans l’intervalle j’ai demandé à mon proche de dire à ce jeune homme d’appeler le 3114 pour avoir déjà quelques conseils, en tout cas pour déjà l’apaiser un peu. Et puis bénéficier des conseils du 31-14. Et puis comme on l’avait convenu, quelques heures après, c’est-à-dire j’ai eu cet appel de mon proche vers 14h et on avait un rendez-vous téléphonique à 17h.

Et j’ai eu donc ce jeune homme au téléphone qui m’a expliqué un petit peu ce qui se passait et qui, dans l’après-midi… avait appelé deux fois le 31 14, et la personne qu’il avait eue au bout du fil lui avait conseillé de poser directement la question à sa compagne, et de savoir si elle avait l’intention de mettre fin à ses jours. Donc il est allé au travail de sa compagne, il s’est arrangé pour la voir et lui a posé la question. Et elle lui a répondu que non, en réalité elle ne souhaitait pas mettre fin à ses jours, mais qu’elle allait tellement mal qu’elle ne savait plus comment s’en sortir. Donc ça a permis d’apporter un petit peu d’apaisement. Et puis je me suis rendu compte en discutant avec ce jeune, qu’en fait il avait mis en place déjà pas mal de choses, puisqu’il avait incité sa compagne quelques jours avant à prendre rendez-vous avec le médecin traitant, que ce médecin traitant avait déjà pris un rendez-vous avec un psychologue, mais il restait quand même un petit peu en lisière de toute cette histoire, cette très grande angoisse des pensées suicidaires. Et ça, ça n’avait pas été abordé.

C’était vraiment intéressant de voir que le jeune homme s’était saisi du numéro de téléphone que je lui avais fait passer, donc par mon intermédiaire, et que ça avait été abordé. Ça avait pu apporter quand même une solution, en tout cas un éclaircissement de la situation. Et il s’avère qu’en discutant avec ce jeune, on a passé à peu près une demi-heure au téléphone. Je l’ai beaucoup écouté en fait parce qu’il avait déjà mis en place beaucoup de choses. Il avait convenu avec sa compagne de passer un week-end en confiant leur fille. Moi j’ai posé quand même quelques questions pour en savoir un petit peu plus, pour savoir un petit peu comment je pouvais aider. Et puis en réalité… Les choses étaient bien goupillées, c’était bien organisé.

On peut donc appeler Anne le 3114, même lorsque l’on est inquiet pour quelqu’un, qu’il ne s’agit pas simplement de pensées suicidaires qui nous concernent ?

Absolument. Et je pense que c’est vraiment très important d’y penser, que ce soit pour un proche, si ce proche n’est peut-être pas tout à fait prêt à le faire, parce qu’on peut lui suggérer, mais il n’aura peut-être pas envie de le faire tout de suite. Et ça peut être aussi suggéré aux professionnels, parce qu’on a au bout du fil des personnes qui sont formées à cette problématique et on peut vraiment avoir des conseils intéressants et importants surtout.

Il me semble que vous aviez une autre intervention, un autre témoignage à nous raconter dans un contexte professionnel.

En effet, je suis donc sage-femme et j’ai été contactée il y a quelques mois par une jeune femme qui était enceinte. Donc j’ai eu un échange téléphonique avec cette jeune femme, récemment arrivée en France, qui venait d’un pays européen. Et voilà, le premier échange téléphonique a été assez court. Donc je l’ai rappelé le lendemain. Et nous avons un peu plus échangé et elle m’a confié à ce moment-là qu’elle avait été touchée par une dépression sévère, qui avait été traitée, qu’elle était arrivée récemment d’un pays européen, mais qu’elle n’avait plus de médecin traitant, donc qu’elle n’avait plus de traitement et qu’elle n’était vraiment pas bien. Donc je suis allée un petit peu plus sur cette histoire de médicaments, de traitement, etc.

Et elle m’a dit qu’elle avait plein de médicaments à la maison et qu’elle était prête à faire n’importe quoi. Donc je lui ai posé la question clairement des intentions suicidaires. Et elle m’a répondu oui, qu’elle était vraiment très très mal et qu’elle y songeait de façon très très précise et très imminente. Donc je lui ai demandé s’il était possible que, si elle était d’accord, je contacte l’hôpital, le centre hospitalier universitaire et que je fasse en sorte que quelqu’un vienne vers elle. Elle m’a dit qu’elle était d’accord. Donc à la suite de cet entretien, j’ai tout de suite appelé le CHU, le SAMU, et j’ai échangé avec les professionnels qui sont dédiés à ces appels-là, qui m’ont posé toutes les questions adéquates, etc.. Ils m’ont gardé en ligne un petit moment, le temps d’appeler cette femme.

Bon là, je n’ai pas le détail du tout de ce qui s’est passé, mais je pense qu’elle a eu un médecin régulateur au bout du fil et quand la personne est revenue vers moi elle m’a dit ne vous inquiétez pas on va la prendre en charge etc.

Et pourquoi avoir appelé le SAMU sur cette cette expérience là plutôt que le 31 14 ?

Parce que me semblait qu’il y avait un danger imminent, elle avait des médicaments à disposition, elle était tellement mal qu’elle se sentait prête à “faire n’importe quoi” c’est… je cite ses paroles. Donc oui je pensais qu’il y avait vraiment un danger imminent. Ce qui s’est passé après qui est intéressant, c’est que moi je n’ai pas la teneur des propos que le spécialiste a eus avec cette femme, mais j’ai pris de ses nouvelles en tout début d’après-midi, la même journée, vers 13h. Et elle était encore chez elle et elle me dit “J’attends l’ambulance”. Alors, sur le coup, ça m’a un petit peu interpellée parce qu’il me semblait qu’il fallait bouger plus vite.

Mais en réalité, je pense que le médecin avec qui elle a discuté est allé un petit peu plus avant dans ses questions que les miennes, puisque ce n’est pas du tout ma spécialité. Et je pense qu’ils ont pu temporiser. Cette femme, elle a ensuite été effectivement accompagnée à l’hôpital. Et moi, j’ai pu, de mon côté, contacter une psychiatre du même hôpital qui m’a dit qu’elle pouvait tout à fait la recevoir vers 16h dans la même journée, ce qui était très bien. Ça s’est vraiment bien organisé. Donc cette femme a pu repartir de l’hôpital après avoir fait un point sur son état, après avoir vu la psychiatre qui lui a redonné un traitement ad hoc.

Vous avez des nouvelles aujourd’hui ?

Oui, oui, oui, c’est une femme qui va bien.

Avec le recul, y a-t-il quelque chose que vous feriez différemment sur l’un de vos deux témoignages ?

Je ne pense pas, je pense que j’ai fait un petit peu, je me suis adaptée à ce qui m’était présenté. Il me semble que… En fait, c’est vraiment un travail de réseau. Ce n’est pas quelque chose que j’ai fait toute seule, finalement. Parce que c’est vrai que cette formation PSSM m’a appris beaucoup de choses, même si j’ai un métier de la santé depuis X années déjà. Mais c’est vraiment un travail de lien. On n’est jamais tout seul, en tout cas il ne faut pas rester tout seul avec ces situations-là. Et on a toujours moyen d’appeler quelqu’un pour demander soit conseil, pour demander de l’aide. C’est vraiment ce qui est le plus important.

Diriez-vous que votre regard a changé sur les troubles psychiques aujourd’hui, Anne ?

Oui, tout à fait. Même si l’expérience de mon métier m’a appris beaucoup de choses, etc. Je me rends compte avec quelques années de recul que mon regard a changé. Je pense notamment à un couple que j’ai reçu il y a 5 ou 6 ans en post-natal, un couple qui venait d’avoir un bébé, qui avait un tout petit bébé de quelques jours, où le conjoint m’a dit d’emblée qu’il était schizophrène. Traité avec un psychiatre qui le suivait régulièrement. Et ce monsieur était très heureux d’avoir un bébé, en même temps un petit peu dans une euphorie, une logorée, etc.

Et moi je me rappelle intérieurement avoir été un peu effleurée par une certaine frayeur à l’idée de ce diagnostic qu’il m’apportait, comme ça, sans préambule. Et puis cet entretien s’est très bien déroulé, c’était un monsieur qui était très bien suivi. Mais je me rappelle de ce sentiment que j’ai eu, cette impression de peur est un mot un peu fort, mais d’être un peu effrayée par ce qu’il me racontait. Et je pense que ça, ça a changé. Je pense que la formation de secouriste en santé mentale m’a permis de démystifier un certain nombre de choses.

Est-ce que vous conseilleriez cette formation ?

Je la conseille à tout le monde. A tous citoyens et citoyennes, parce qu’on fait tous partie de la même société. On a tous besoin, je pense, d’être informés correctement sur ces troubles psychiques. C’est très important.

Merci pour votre témoignage, Anne.

Merci.

Conclusion

On peut tous, à un moment de sa vie, être confronté à une personne de son entourage qui a des idées suicidaires. Pour rappel, si vous pensez qu’une personne a des pensées suicidaires, contactez le 3114, numéro national de prévention du suicide.

Si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet, vous pouvez aller lire le carnet du secouriste en santé mentale Mieux aider une personne ayant des idées et comportements suicidaires. Il est disponible en téléchargement gratuit sur le site de PSSM France.

Vous pouvez également consulter le site internet infosucide.org, un portail d’informations et d’échanges pour toutes les personnes concernées par l’isolement et la prévention du suicide.

Vous pouvez également écouter l’épisode du podcast Les mots bleus, le carillon magique intitulé Prévention du suicide.

Et en plus de ces ressources, sachez que venir en aide à quelqu’un qui aurait des pensées suicidaires, ça s’apprend. Sans pour autant se substituer au professionnel, sans pour autant devenir un soignant. Comment savoir si quelqu’un a des idées suicidaires ? Comment aborder ce sujet ? Que faut-il faire s’il y a urgence ? Autant d’éléments qui sont abordés lors de la formation des premiers secours en santé mentale.

Nous avons tous un rôle à jouer. en tant que secouriste en santé mentale. Alors vous aussi, rejoignez cette démarche citoyenne et apprenez à aider en vous formant aux premierx secours en santé mentale. Pour cela, rien de plus simple. Rendez-vous sur le site internet de PSSM.

C’était Apprendre à aider, le podcast sur le secourisme en santé mentale. Si vous avez aimé cet épisode, laissez-nous un commentaire ou un like sur votre plateforme d’écoute. Rendez-vous dans un mois pour votre prochain épisode. Apprendre à aider est un podcast PSSM France, produit par Plus de Sens. Ce podcast a été rendu possible grâce au Self-Esteem Club d’Herborian, partenaire de PSSM France. Présentation, Oriana Dobrometz. Direction éditoriale, Stéphanie Rochdix et Oriana Dobrometz. Direction de la production, Nicolas Pinot.

Ce podcast a été rendu possible grâce au Self-Esteem Club d’Erborian, partenaire de PSSM France.