Tout le monde peut devenir secouriste en santé mentale. Anne-Sophie Jurion préparatrice mentale pour les sportifs. Le mental ça la connaît, mais la santé mentale c’est différent. Elle s’est formée au secourisme en santé mentale pour pouvoir intervenir dans le cadre de son métier, auprès d’un public de sportifs, mais également dans la sphère privée. Interview.
La santé mentale vue par Anne-Sophie Jurion, secouriste en santé mentale et préparatrice mentale pour les sportifs
Comment définiriez-vous simplement la santé mentale en 2024 ?
Pour moi, la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reste pertinente : la santé mentale est un “état de bien-être permettant à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler de manière productive et de contribuer à la communauté”.
En 2024, je dirais simplement que veiller à sa santé mentale et celle des autres est devenue une compétence essentielle pour affronter les incertitudes de notre monde et vivre plus sereinement.
Si vous aviez un conseil à partager pour prendre soin de sa santé mentale ou de celle d’un proche, quel serait-il ?
Si je devais donner un conseil pour prendre soin de sa santé mentale ou de celle d’un proche, je dirais : osez parler, car il ne faut pas sous-estimer l’importance de la communication et du soutien social. Exprimer ce que l’on ressent, partager ses préoccupations, demander ou apporter de l’aide sont des actions indispensables. On ne s’en rend pas toujours compte sur le moment, mais la qualité des relations humaines est fondamentale pour le bien-être mental.
“La santé mentale est un véritable problème de santé publique […] plus il y aura de personnes formées, plus de vies seront sauvées ”
Anne-Sophie Jurion
Préparatrice mentale, secouriste en santé mentale et membre de la société française de psychologie du sport (SFPS)
Sur une échelle de 1 à 10, à quel niveau d’importance placez-vous la formation aux Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) pour les citoyens ?
Positionner le niveau d’importance de la formation aux Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) pour les citoyens revient à se demander s’il est crucial de réduire la stigmatisation et de sensibiliser à la santé mentale. En France, 1 personne sur 4 est touchée par un trouble psychique, et le suicide est la première cause de mortalité chez les 15-35 ans. La santé mentale est un véritable problème de santé publique.
Se former aux premiers secours en santé mentale, c’est apprendre à reconnaître les signes de détresse psychologique, savoir comment réagir et pouvoir offrir un soutien approprié. En développant ces compétences, chacun est en mesure de pouvoir offrir une réponse efficace et adaptée aux personnes touchées par un problème de santé mentale. Tout comme pour les secours physiques, selon moi, plus il y aura de personnes formées, plus de vies seront sauvées. Si cela peut aider ne serait-ce qu’une personne, je mets 10.
D’un point de vue personnel, que vous a apporté cette formation de secouriste en santé mentale ? Avez-vous un exemple de situation où la formation vous a été utile ?
Je trouve que depuis que j’ai fait la formation PSSM, je suis plus vigilante et je repère avec plus de facilité les signes qui peuvent traduire un problème de santé mentale. Cette formation m’a permis de concrétiser un plan d’action efficace pour intervenir face à une personne en souffrance psychique. Grâce au plan d’action AERER appris en formation, j’ai désormais une “marche à suivre” qui me permet d’aborder et d’évaluer les situations avec plus de sérénité.
La relation entre la pratique d’un sport et la santé mentale selon Anne-Sophie Jurion
En tant que préparatrice mentale, membre de la société française de psychologie du sport (SFPS) et secouriste en santé mentale, quelle relation observez-vous entre santé mentale et sport, pour le meilleur et pour le pire ?
Le sport et la santé mentale entretiennent une relation complexe. Les études scientifiques sont nombreuses et montrent clairement que le sport est un véritable allié pour la santé mentale. Pratiquer une activité physique régulière réduit les symptômes de dépression et d’anxiété, diminue le stress, renforce l’estime de soi, améliore le sommeil, et contribue globalement à un sentiment de bien-être. Il ne faut donc pas s’en priver !
Cependant, poussé à l’extrême le sport et l’environnement sportif, peuvent devenir des facteurs déclencheurs de symptômes et de troubles de la santé mentale. Chez les sportifs professionnels, la pression de la performance, l’isolement social dû aux conditions d’entraînement, la peur de la blessure, la compétition, les douleurs… peuvent générer, par exemple du stress, de l’anxiété. Depuis quelques années, la parole s’est libérée et les athlètes osent enfin parler des difficultés qu’ils rencontrent. Le fait que le sujet soit moins tabou permet d’améliorer l’accompagnement auprès des sportifs et de leur entourage, qui reste souvent leur premier soutien social.
>> Lire le témoignage de Raphaël Poulain, ex-rugbyman de haut niveau et secouriste en santé mentale
“En fin de compte, qu’on soit amateur, professionnel ou athlète de haut niveau, les troubles de la santé mentale peuvent survenir partout”
Anne-Sophie Jurion
Préparatrice mentale, secouriste en santé mentale et membre de la société française de psychologie du sport (SFPS)
Quels sont les types de troubles en santé mentale que vous avez le plus souvent observés dans les clubs sportifs où vous avez travaillé ? Sont-ils les mêmes dans le sport de haut niveau ?
Les troubles psychiques, tels que l’anxiété et la dépression, sont les plus fréquemment rencontrés chez les sportifs avec lesquels j’ai travaillé. Dans le sport de haut niveau, l’anxiété et la dépression, souvent associées à des troubles du sommeil, sont également très courantes. Cependant, certains sports présentent des risques spécifiques pour la santé mentale. Par exemple, les sports dits esthétiques comme la gymnastique et la danse, ou ceux à catégorie de poids comme le judo et la boxe, sont régulièrement confrontés à des troubles des conduites alimentaires.
En fin de compte, qu’on soit amateur, professionnel ou athlète de haut niveau, les troubles de la santé mentale peuvent survenir partout. Il est donc crucial de sensibiliser toutes les personnes impliquées dans l’encadrement des sportifs (entraîneurs, préparateurs physiques, bénévoles) ainsi que leurs familles, qui sont souvent les premières à pouvoir observer les signes et symptômes.
Tout le monde peut devenir secouriste en santé mentale
Nous avons toutes et tous une santé mentale. Elle évolue au cours de notre vie, il est important d’en prendre soin pour nous et pour les autres. Être en bonne santé mentale n’exclut pas de ressentir un mal-être : un pic de stress ou des périodes sans trop d’appétit ne signifient pas forcément que l’on souffre d’un trouble de santé mentale.
En 2 jours de formation, il est possible d’apprendre à mieux comprendre ce que sont les troubles en santé mentale et à identifier les symptômes d’un trouble pour savoir comment agir face à une personne concernée.
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