Les collectivités sont des partenaires privilégiés pour faire progresser la santé mentale sur le territoire. Certaines d’entre elles mettent en place une politique active de premiers secours en santé mentale. C’est le cas de la Mairie d’Antony en Ile-de-France.
Entretien avec Cécile Binart, responsable service promotion santé à la Mairie d’Antony (92)
Comment la Ville d’Antony s’engage-t-elle dans la protection de la santé mentale de ses employés et citoyens ?
La ville d’Antony a créé un Conseil Local en Santé Mentale en 2015. Les conseils locaux en santé mentale sont des espaces de concertation et de coordination rassemblant :
- Des élus locaux
- Des représentants de la psychiatrie
- Des usagers des services de santé mentale et leurs aidants
- Tout acteur du territoire concerné
Ils accompagnent la mise en œuvre des politiques locales permettant d’agir sur les déterminants de la santé mentale (environnement, logement, éducation, action sociale, urbanisme…) comme sur les parcours de santé.
La ville d’Antony s’engage auprès de ses citoyens et de ses agents. Nous sommes nombreux a œuvrer au quotidien pour garantir un accès optimal aux services qui favorisent le bien-être et la santé.
Comment s’inscrit la formation PSSM dans la politique de la ville ?
En 2020, le comité de pilotage du Conseil Local en Santé Mentale d’Antony a décidé de former des secouristes en Premiers Secours en Santé Mentale. Malheureusement, la crise sanitaire n’a pas permis sa mise en place.
Depuis janvier 2022, un programme de sensibilisation à la santé mentale a été développé, rassemblant divers acteurs locaux. Trois à quatre sessions de formation ont été organisées par an, chacune favorisant une approche participative.
Ces formations de secourisme en santé mentale ont réuni des :
- Agents municipaux
- Habitants du quartier prioritaire de la ville
- Membres d’associations et du Conseil des Jeunes Citoyens
Grâce à ce programme, un réseau d’ambassadeurs a été créé, partageant une base commune de connaissances sur la santé mentale. A ce jour, 156 secouristes ont été formés et de nouvelles formations sont programmées.
Les défis pour l’accès aux soins psychiques sont importants. Une réflexion est menée pour faciliter la connaissance des secouristes sur l’organisation des soins avec l’hôpital EPS Erasme.
“Le secouriste en santé mentale a un rôle important à jouer en facilitant l’accès aux parcours de soins et en permettant une intervention précoce.“
Cécile Binart
Responsable service promotion santé à la mairie d’Antony (92) et secouriste en santé mentale
Comment intégrez-vous les compétences acquises lors de la formation aux PSSM dans votre quotidien professionnel ?
En tant que responsable de la promotion de la santé, je suis convaincue que la formation aux premiers secours en santé mentale est un outil essentiel pour faire évoluer la perception de la santé. La santé ne se résume pas à l’absence de maladie. Il s’agit d’un état de bien-être complet, physique, mental et social.
Lorsqu’une personne est confrontée à un problème de santé mentale, elle peut avoir besoin de soins médicaux, mais une approche interdisciplinaire est souvent nécessaire pour une prise en charge efficace. Le secouriste en santé mentale a un rôle important à jouer en facilitant l’accès aux parcours de soins et en permettant une intervention précoce.
J’étais déjà convaincue de l’importance de la santé globale. La santé comprend la santé somatique et psychique. L’une ne va pas sans l’autre. Comprendre et expliquer les outils dont dispose le secouriste en santé mentale renforce cette conviction.
L’écoute active et sans jugement, enseignée dans la formation, est un outil essentiel pour notre activité professionnelle quotidienne. En effet, nous sommes régulièrement confrontés à des situations surprenantes, voire déroutantes. Reconnaître que nous avons tous nos propres biais et apprendre à les mettre de côté lors de l’écoute permet de mieux comprendre les demandes des habitants.
Il est crucial de comprendre et de faire comprendre que les personnes qui vivent des difficultés d’ordre psychique souffrent réellement, parfois de manière intense. Leur besoin premier est d’être écoutées avec bienveillance et sans jugement. Cette capacité d’écoute est essentielle pour le bien-vivre ensemble car elle permet de créer des liens de confiance et de solidarité.
Avez-vous un exemple de situation où la formation PSSM vous a été utile ?
J’ai eu l’occasion d’accompagner des collègues qui cherchaient à mettre en place les outils proposés en formation. Pour exemple, une situation concernait une personne exprimant des intentions suicidaires, une autre concernait une personne en rupture sociale en phase d’isolement.
Grâce à cette formation, j’ai pu partager mes compétences avec une autre collectivité pour les aider à mieux gérer les situations de crise ou encore accompagner des patients qui venaient d’apprendre un diagnostic de maladie grave.
Dans chaque cas, j’ai pu établir un climat de confiance et de respect. Cela a permis aux personnes de s’exprimer librement et de trouver un soutien dont elles avaient besoin.
D’un point de vue personnel, que vous a apporté la formation ?
Il est important de déstigmatiser la santé mentale. La formation PSSM apporte des éléments de réflexions et de compréhension sur la santé psychique. Personnellement elle me permet de rassurer mon entourage qui peut avoir des craintes lorsqu’il s’agit de ce type de situation.
Les stéréotypes et préjugés négatifs envers les personnes souffrant de troubles psychiques sont profondément ancrés dans notre société. Ces idées fausses et discriminatoires peuvent entraîner des conséquences dévastatrices car elles privent les personnes concernées d’espoir et d’accès aux soins dont elles ont besoin. Il est crucial de redonner à chaque individu la possibilité de naviguer son propre parcours et de lui rappeler que la guérison est possible.
En partageant des exemples concrets de rétablissements, nous pouvons contribuer à changer la perception de la psychiatrie et briser le silence qui entoure la maladie mentale. Trop souvent, les médias ne s’emparent de la psychiatrie que pour relater des drames, alimentant ainsi la peur et l’incompréhension.
Il est temps de faire entendre une autre voix, celle de l’espoir et du rétablissement. Montrer que la guérison est possible, c’est sauver des vies.
Les collectivités ont un rôle essentiel pour le “mieux vivre ensemble”
Une circulaire ministérielle dédiée à la prévention de la santé mentale
La circulaire ministérielle du 23 février 2022 invite les employeurs de la fonction publique à généraliser la sensibilisation et la formation en santé mentale. Celle-ci est inscrite au rang des priorités du premier plan Santé au travail dans la fonction publique, présenté le 14 mars 2022.
“En 2018, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn déclarait déjà que la santé mentale devait être un des objectifs inscrits dans le programme de prévention de santé publique”
Muriel Vidalenc
Présidente de PSSM France
Tous les élus et agents territoriaux sont concernés quels que soient les services dans lesquels ils évoluent :
- Santé
- Politique de la ville
- Solidarités
- Action sociale
- Petite enfance
- Insertion professionnelle
- Culture
- Logement
- Urbanisme
Les agents au contact du public sont les premiers concernés, en priorité les personnels d’accueil, travailleurs sociaux, professionnels de santé et policiers municipaux. L’objectif est aussi d’améliorer en interne la prise en compte de la souffrance psychique.
Les PSSM inscrits au catalogue de formations du CNFPT
Depuis 2022, des sessions de formations de secouristes et de formateurs sont proposées et prises en charge via le catalogue de formation du CNFPT (Centre National Fonction Publique Territoriale). Les collectivités peuvent ainsi financer des formations, mais aussi en faciliter l’organisation en mettant, par exemple, des espaces à disposition.
Enfin, les collectivités françaises jouent un rôle primordial d’information sur les premiers secours en santé mentale.
Plus d’informations sur le secourisme en santé mentale :
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