Les PSSM dans les coulisses du Théâtre de la Garance

La Garance – Scène nationale de Cavaillon – propose depuis plusieurs années à ses salariés et intermittents du spectacle de se former aux PSSM. Nous avons échangé avec Léa Massé, qui travaille au sein de La Garance. Elle partage son expérience de secouriste en santé mentale dans le secteur de la culture. Eclairage.

©Christelle Calmettes

La santé mentale a un rôle à jouer dans le secteur de la culture

Léa Massé est chargée de la communication et du développement du mécénat de La Garance – Scène nationale de Cavaillon depuis 4 ans et demi.

Elle est également représentante du personnel et référente en matière de violences et harcèlements sexuels et sexistes à La Garance depuis avril 2024.

Enfin, Léa Massé est secouriste en santé mentale.

Elle a accepté de partager sa vision et son expérience de la santé mentale dans le domaine de la culture et plus particulièrement de la scène théâtrale.

Le théâtre de La Garance, engagé pour la santé mentale de ses équipes

Comment La Garance s’engage-t-elle dans la protection de la santé mentale de ses collaborateurs, salariés ou intermittents ?

Depuis plusieurs années, La Garance – Scène nationale de Cavaillon met en place différentes actions pour protéger et améliorer la santé mentale de ses collaborateur·rice·s. Notre équipe est constituée de salarié·e·s permanent.e.s ainsi que d’intermittent·e·s du spectacle.

Cet engagement se traduit par plusieurs initiatives :

Suivi et dialogue social

Depuis 8 ans, un·e représentant·e du personnel organise, en collaboration avec la direction, des réunions mensuelles du CSEC (Comité social et économique central). Lors de ces réunions, des sujets liés à la santé mentale sont abordés. Parmi eux, on retrouve par exemple la charge de travail, le stress et les relations hiérarchiques.

Nous organisons également des réunions sociales biannuelles avec toute l’équipe et la direction.

Prévention et sensibilisation

En 2023 et 2024, une formation sur les violences et harcèlements sexistes et sexuels (VHSS) a été dispensée par le planning familial. L’ensemble du personnel permanent et intermittent a pu y participer.

Une formation aux premiers secours en santé mentale (PSSM) a été proposée en décembre 2024 à l’ensemble des salarié·e·s. Ces 2 jours de formation étaient réalisés sur leurs heures de travail. L’objectif était double. D’abord apprendre à mieux identifier les symptômes des différents troubles (dépression, anxiété…). Ensuite, savoir accompagner les situations de détresse psychologique. Cela à la fois pour soi-même et pour les autres.

Encadrement et réglementation

Le règlement intérieur a été mis à jour en 2025 pour intégrer des dispositions sur le droit à la déconnexion. Un protocole de signalement VHSS a également été mis en place.

Bien-être et qualité de vie au travail

Depuis 2024, une activité physique régulière (yoga-pilate) nous est proposée sur le temps du midi à La Garance. Les cours ont lieu plusieurs fois par mois, à un tarif privilégié pour les salarié·e·s. Cette activité est en partie prise en charge par le comité d’entreprise afin de faciliter l’accès au sport et promouvoir le bien-être de nos collaborateur·rice·s.

Création d’un espace de repos

Le théâtre est un lieu public et ouvert à tou·te·s en journée et en soirée. C’est pourquoi une salle a été mise à disposition des salarié·e·s afin qu’iels puissent s’isoler.

Comment s’inscrit la formation PSSM dans la politique de La Garance ?

La formation aux Premiers secours en santé mentale (PSSM) s’inscrit pleinement dans la politique de La Garance en matière de prévention et de bien-être au travail.

Elle répond à plusieurs objectifs stratégiques de la structure :

Renforcer la prévention des risques psychosociaux

En formant les salarié·e·s à identifier et accompagner les situations de détresse psychologique, La Garance agit en amont pour prévenir les souffrances au travail et favoriser un environnement sain.

Encourager une culture de l’écoute et du soutien

Cette formation permet aux collaborateur·rice·s d’acquérir des réflexes et des outils pour mieux accompagner leurs collègues en difficulté. A travers le secourisme en santé mentale, la solidarité et le bien-être collectif sont renforcés.

Répondre aux spécificités du secteur culturel

Travailler dans un lieu culturel implique des contraintes particulières : horaires annualisés, pics d’activité intenses et forte implication émotionnelle. Ces facteurs peuvent générer du stress et de la fatigue mentale. Ils rendent d’autant plus essentiel le développement d’outils de prévention et de soutien.

Travailler dans un lieu culturel implique également d’accueillir, d’échanger régulièrement avec des publics variés :

  • Spectateur·trice·s
  • Artistes
  • Intervenant·e·s
  • Bénévoles
  • Journalistes
  • Mécènes
  • Enseignant·e·s
  • Collectivités territoriales

En d’autres termes, cela implique d’être capable de réagir à des situations diverses parfois délicates et de répondre à des problématiques multiples.

Favoriser un engagement durable

En proposant cette formation sur le temps de travail et en prenant en charge le coût de la formation, La Garance témoigne de son engagement concret en faveur de la santé mentale. La structure reconnaît ainsi l’importance de cette thématique dans la vie professionnelle.

Grâce à cette démarche, La Garance poursuit son objectif de créer un cadre de travail bienveillant, inclusif et respectueux de la santé mentale de chacun·e. Cela en prenant en compte les réalités et contraintes spécifiques du secteur culturel.

Être secouriste en santé mentale et travailler dans la culture

En tant que secouriste en santé mentale, comment intégrez-vous les compétences acquises lors de la formation dans votre quotidien professionnel ?

En tant que salarié·e au sein d’une structure culturelle, la formation aux Premiers secours en santé mentale (PSSM) m’a permis de développer des réflexes et une posture d’écoute bienveillante. Je suis plus à l’aise pour agir face aux situations de mal-être que peuvent rencontrer mes collègues.

La formation me sert également auprès des spectateur·trice·s de La Garance, en fonction des propositions artistiques que nous pouvons proposer.

En ma qualité de représentant·e du personnel et référente VHSS, la formation PSSM m’a donné des outils concrets pour mieux accompagner et orienter les salarié·e·s confronté·e·s à des situations de souffrance psychologique.

Cela me permet notamment de :

  • Écouter et accueillir la parole des collègues qui viennent exprimer un mal-être, sans minimiser ni dramatiser pour gérer au mieux des situations délicates
  • Les aider à identifier des solutions ou des relais internes (RH, encadrement, cellule d’écoute, etc.) et externes (médecine du travail, psychologues, associations spécialisées)
  • Sensibiliser la direction aux enjeux de santé mentale, en intégrant cette dimension dans les discussions du CSEC et en proposant des actions de prévention adaptées à notre réalité professionnelle

Grâce à cette formation, je me sens mieux outillée pour contribuer, à mon échelle, à un environnement de travail plus sain, solidaire et attentif au bien-être de chacun·e.


« Les performances théâtrales ou musicales avec des effets visuels intenses, peut être particulièrement stimulantes et même angoissantes pour certain·e·s spectateur·rice·s. »

Léa Massé
Chargée de communication de La Garance et secouriste en santé mentale


Avez-vous un exemple de situation où la formation PSSM vous a été utile ?

La rentrée de septembre à novembre 2024 a été particulièrement intense pour l’ensemble des salarié·e·s. Entre la fête de saison, le vernissage d’exposition, un concert (notamment celui d’une chanteuse), les spectacles avec plusieurs séries et le festival manip ! qui est un festival autour de la magie, nous avons dû faire face à une charge de travail accrue. Certaines semaines particulièrement chargées allant jusqu’à 48h.

Cette période a généré une fatigue importante, du stress et de l’anxiété parmi les équipes, du fait des horaires contraignants, notamment en soirée et de l’accumulation des événements.

©Christelle Calmettes

Grâce à la formation PSSM en décembre, j’ai pu identifier les signes de détresse et de surmenage chez mes collègues. J’ai surtout eu l’opportunité d’apporter un éclairage théorique sur les risques psychosociaux liés à cette surcharge de travail.

Ce savoir m’a permis de communiquer de manière constructive avec la direction, en alertant sur les conditions de travail et en proposant des solutions pour mieux gérer la charge de travail lors de la prochaine rentrée. Cela notamment en termes de répartition des horaires et de soutien psychologique pour les salarié·e·s.

Y a-t-il un trouble psychique que vous identifiez plus particulièrement ou plus fréquemment dans votre secteur d’activité ?

La Garance accueille environ 120 représentations par an, le public est particulièrement varié en âge et en profils. Nous avons des séances scolaires, en journée, en soirée, des représentations pour différents types de publics, et des événements tels que des spectacles de théâtre, danse, cirque ou des concerts dans une salle allant de 500 à 1200 places.

Ce contexte, avec parfois des ambiances sombres, des effets de lumière stroboscopiques, et des performances théâtrales ou musicales avec des effets visuels intenses, peut être particulièrement stimulant et même angoissant pour certain·e·s spectateur·rice·s.

L’un des troubles psychiques que nous identifions le plus fréquemment dans notre environnement est donc l’attaque de panique.

Les facteurs déclencheurs peuvent être multiples, mais le stress lié à l’agitation collective, les espaces vastes, ou des stimuli sensoriels forts (sons, lumières) contribuent à l’apparition de ces symptômes.

Pour y faire face, il nous semblait important d’avoir des actions de sensibilisation afin que l’ensemble des équipes soit attentif·ve·s à ces risques et puisse réagir de manière appropriée si un incident survient.

>>> Consulter le carnet du secouriste « Mieux comprendre les attaques de panique »

D’un point de vue personnel, que vous a apporté cette formation de secouriste en santé mentale ?

À titre personnel, cette formation m’a été particulièrement utile, surtout en lien avec une expérience difficile que j’ai traversée il y a trois ans.

En effet, j’ai fait un burn-out après environ un an dans un nouveau poste, qui avait pourtant été conçu spécifiquement pour alléger la charge de travail de deux personnes au sein de la structure. Malgré cela, une surcharge de travail et un manque de prise en compte de mes limites ont contribué à cette situation.


« L’un des troubles psychiques que nous identifions le plus fréquemment dans notre environnement [ndlr : salle de spectacle] est l’attaque de panique. »

Léa Massé
Chargée de communication de La Garance et secouriste en santé mentale


La formation PSSM m’a permis de prendre du recul sur cette expérience, de mieux comprendre les signaux d’alerte liés à un épuisement professionnel. Cela m’a également offert des outils pratiques pour mieux gérer le stress et la pression au quotidien, et m’a permis de mieux identifier les signes de détresse chez moi-même et chez les autres.

En outre, cette formation m’a appris à reconnaître les ressources disponibles pour la gestion de la santé mentale, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Elle m’a offert une perspective réparatrice, m’aidant à voir l’importance de la prévention et du soutien adéquat.

Pour aller plus loin :

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