PSSM au travail : la Mutualité Française se forme en interne

En France, de plus en plus d’entreprises proposent à leurs salariés de se former aux premiers secours en santé mentale. Dans certains cas, des salariés sont devenus eux-mêmes formateurs accrédités PSSM France afin de déployer la formation auprès de leurs collègues et de figurer dans le catalogue des formations internes. C’est le cas de la Mutualité Française. Interview de l’antenne Occitanie.

Se former aux PSSM en entreprise

L’apparition d’un trouble de santé mentale peut avoir une incidence sur tous les aspects de la vie, y compris au travail.

Nous passons en effet une grande partie de notre temps sur notre lieu de travail, entourés de nos collègues. C’est pourquoi de plus en plus d’entreprises proposent à leurs salariés de se former aux premiers secours en santé mentale.


“Selon des travaux de recherche, la dépression et l’anxiété représentent
une perte de 12 milliards de journées de travail chaque année “

Source :
Organisation Mondiale de la Santé


La formation aux premiers secours en santé mentale est une formation citoyenne, accessible à tous dès l’âge de 18 ans. Elle permet de mieux comprendre les différents troubles de santé mentale, pour mieux repérer les symptômes et adopter le comportement adéquat.

Une fois formé, un secouriste en santé mentale est donc en mesure d’aider un membre de sa famille, un ami mais également un collègue. Ainsi, la formation PSSM peut s’inscrire dans une démarche globale de qualité de vie au travail.

>>> Organiser une formation PSSM en entreprise

La Mutualité Française Occitanie, formée aux PSSM  

Sylvain Agier est responsable du développement de la prévention et promotion de la santé au sein de la Mutualité Française Occitanie. Il est également secouriste en santé mentale et même formateur en interne. Malgré un emploi du temps que l’on imagine chargé, il a accepté de répondre à quelques questions pour nous parler du déploiement de la formation PSSM au sein de la Mutualité Française.

La santé mentale et le bien-être, au cœur des préoccupations de la Mutualité Française

Comment la Mutualité Française s’engage-t-elle dans la protection de la santé mentale de ses salariés ? De ses bénéficiaires ?

Préserver ou améliorer le bien-être de chacun est un enjeu crucial pour la Mutualité Française. Les mutuelles sont constituées de personnes qui partagent des valeurs d’entraide, une vision solidaire de la santé et ont choisi de rassembler leurs forces pour faire face à des risques et venir en aide à ceux qui vont moins bien. Sans distinction, salariés, adhérents mutualistes ou grand public, nous sommes tous concernés et pouvons tous agir.

A l’heure où, le premier poste de dépenses de l’assurance maladie concerne la santé mentale, le mouvement mutualiste se mobilise fortement pour briser les dynamiques multidimensionnelles responsables de la dégradation de la santé mentale. C’est un enjeu de santé publique puisque comme le souligne l’OMS, il n’y a pas de santé sans santé mentale.

En premier lieu, il s’agit pour nous de développer une véritable culture de la santé mentale. Cela consiste à faire évoluer le regard sur la santé mentale. Elle est malheureusement trop souvent vue comme un problème. Il faut déstigmatiser les troubles psychiques et envisager la santé mentale, sous un angle positif.

Nous menons, à ce titre, avec l’aide de nombreux partenaires, des actions de sensibilisation visant à renforcer les compétences psychosociales de chacun, à mettre en avant les ressources dont nous disposons pour agir sur notre bien-être et celui de nos proches. Pour donner un ordre d’idée, au niveau fédéral, sans compter les actions portées directement par les mutuelles, notre réseau prévention et promotion de la santé a réalisé plus de 2000 actions sur la thématique santé mentale depuis 2021.

Nous nous sommes également engagés pour contribuer au développement des premiers secours en santé mentale.


“Il faut déstigmatiser les troubles psychiques et envisager la santé mentale, sous un angle positif.”

Sylvain Agier
Secouriste en santé mentale et formateur PSSM en interne chez Mutualité Française


La Mutualité Française s’attache aussi à faciliter l’accès aux soins que ce soit en matière de parcours ou d’accessibilité financière. 

L’objectif au niveau des parcours de soins est de mettre en place une prise en charge graduée adaptée à la sévérité des troubles et à l’offre sur les territoires. En s’inspirant des modèles « stepped care » utilisés en santé mentale, nous pensons qu’il faut des parcours de soins coordonnés avec une gradation des réponses. L’organisation de ces parcours est capitale pour améliorer l’accompagnement des personnes qui souffrent de troubles de santé mentale, notre système doit s’adapter.

Dans les Services de Soins et d’Accompagnement Mutualistes, il y a de plus en plus d’initiatives comme le développement de la pair-aidance, le développement de coopérations entre professionnels ou encore de nouveaux métiers pour agir sur la santé mentale. Je pense notamment aux infirmiers en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale.

L’accessibilité financière est aussi un sujet important qui conduit le mouvement mutualiste à étudier avec les Pouvoir Publics, l’assurance maladie obligatoire et les professionnels de santé les modalités d’une prise en charge des consultations. C’est par exemple le cas en ce qui concerne les consultations de psychologues, la question de la téléconsultation pour la santé mentale…

La Mutualité Française porte également une action politique pour inscrire la santé mentale au cœur du débat public.

Je vous renvoie aux 10 propositions qu’elle a formulé auprès de nos élus dans le cadre de son opération « Place de la santé » sur le sujet de la santé mentale.

Comment s’inscrit la formation PSSM dans la politique de la Mutualité Française Occitanie et plus largement au sein du groupe ?

A la Mutualité Française Occitanie, nous sommes actuellement 3 formateurs accrédités par PSSM France. Plus de 70% des salariés ont déjà été formés aux PSSM standard. Pour les autres, c’est juste une question de temps !

Je sais l’ambition nationale de la Mutualité Française de promouvoir les premiers secours en santé mentale en partenariat avec PSSM France. Cela se traduit dans les régions. Notre souhait est de faire en sorte qu’un maximum de personnes soient en capacité d’agir favorablement sur le bien-être psychique de chacun. C’est une vision de société en fait !


“Trop souvent, face à des événements indésirables comme une maladie, un accident, une perte d’emploi, une rupture, la perte d’un proche (…) des personnes peuvent se sentir isolées et glisser dans des dynamiques qui vont à plus ou moins long terme altérer leur santé .”

Sylvain Agier
Secouriste en santé mentale et formateur PSSM en interne chez Mutualité Française


Nous évoluons dans des sociétés de plus en plus individualistes et il est important de reconstruire des solidarités. La formation PSSM est une formation citoyenne, et en cela elle permet à chacun d’être acteur de sa santé et de celle de ses proches.

Pas besoin d’être un professionnel de la santé mentale pour aider quelqu’un, il s’agit d’intervenir le plus précocement possible en utilisant des méthodes qui s’apprennent pour favoriser le rétablissement.

Si nous voulons lutter contre les différentes formes d’exclusion, contre tout ce qui isole qui provoque du mal-être, il faut agir ensemble. C’est le sens de notre partenariat avec PSSM France. Trop souvent, face à des événements indésirables comme une maladie, un accident, une perte d’emploi, une rupture, la perte d’un proche (…) des personnes peuvent se sentir isolées et glisser dans des dynamiques qui vont à plus ou moins long terme altérer leur santé en provoquant des répercussions sur des dimensions biologiques et psycho-sociales. Lorsque cela se produit, l’entourage proche est la plupart du temps le plus à même d’identifier des changements de comportements, d’émotions. Mais comment réagir ?

La formation PSSM apporte des outils pour aider, orienter, remobiliser les ressources psychiques des personnes en souffrance, et favoriser leur rétablissement. Des ressources, nous en avons tous en nous et autour de nous. Qu’il s’agisse d’une capacité individuelle à nous adapter, à nous auto-déterminer, à remonter les pentes ou de celles offertes par notre environnement, des mains tendues, des petites attentions, des lieux et des personnes que nous aimons, de l’aide de professionnels, elles existent. Parfois la peine, la souffrance, le sentiment d’impuissance, la méconnaissance (…) peuvent les masquer, et nous avons chacun un rôle à jouer pour les mettre en avant.

>>> Ecouter le podcast Apprendre à aider sur le secourisme en santé mentale

La Mutualité Française partage ce même objectif avec PSSM France de permettre au maximum de personnes de venir en aide à ceux qui en ont besoin, de bâtir une société plus solidaire.

Quand nous avons eu connaissance de ces formations, nous sommes nombreux au sein du réseau mutualiste à nous être portés volontaires pour y participer voir même à avoir eu envie de devenir formateurs accrédités PSSM et contribuer au développement des premiers secours en santé mentale.

Être secouriste en santé mentale : des compétences au quotidien

Comment intégrez-vous les compétences acquises lors de la formation PSSM dans votre quotidien professionnel ?

Pas vraiment différemment de la manière dont je le fais dans mon quotidien personnel. J’essaie de prêter au maximum attention au bien-être des personnes qui m’entourent, de rester vigilant aux signes de mal-être.

Au travail, même avant la formation, je me rends compte que nous échangions beaucoup entre collègues sur nos difficultés professionnelles ou personnelles. Nos relations s’inscrivent dans un temps long. Cela facilite l’aide que nous pouvons nous apporter, mais il est aussi important de ne pas s’endormir, de ne pas se dire que des signes faisant penser à un trouble psychique sont normaux et constitueraient finalement un trait de personnalité du collègue concerné. La formation a contribué à augmenter ma vigilance vis-à-vis des signes de détresse que pourraient présenter mes collègues.

Il y a aussi tous les temps d’actions où nous sommes sur le terrain avec les populations pour promouvoir la santé. Sur ces temps, des personnes nous font souvent part de ce qu’elles vivent, parfois de leurs souffrances et il peut être difficile d’apporter une aide efficace sur le moment.


“La formation PSSM nous apprend
à nous adapter en permanence. Être à l’écoute et s’adapter pour aider au mieux.”

Sylvain Agier
Secouriste en santé mentale et formateur PSSM en interne chez Mutualité Française


La formation PSSM nous permet d’aborder ces situations de mieux en mieux. Cela commence avant même les actions lors de leur construction en s’associant à des partenaires, véritables ressources sur les territoires avec qui je sais que si une personne exprime une détresse nous pourrons intervenir ensemble de manière à permettre une continuité du processus de soutien.

Le temps des premiers secours en santé mentale est celui qui convient à la personne qui vie le trouble et pas le temps d’action auquel je suis contraint. J’ai conscience de ces limites, donc je m’adapte. La formation PSSM nous apprend à nous adapter en permanence. Etre à l’écoute et s’adapter pour aider au mieux.

Je sais qu’il en va de même pour mes collègues qui, sur d’autres métiers, gèrent des situations d’accueil et sont parfois confrontés à de l’agressivité. La formation les a beaucoup aidés.

Au final, en améliorant notre capacité à gérer ces situations professionnelles, je pense que nous agissons aussi sur l’appréciation que nous avons de nos métiers. Cela a un impact sur notre bien-être au sein de l’entreprise.

Avez-vous un exemple de situation où la formation PSSM vous a été utile ?

Plusieurs ! Il y a cet aidant familial en perte d’estime de soi, cette personne âgée qui, à la fin d’une action de sensibilisation sur la santé mentale, est venue me voir pour me dire tout son désespoir, ce moment où cette dame me parle de son cancer et de sa peur de mourir, ce monsieur qui tenait des propos complétement incohérents sur lequel tous les regards se tournaient…

Les exemples dans lesquels j’ai pu éprouver l’utilité de la formation PSSM ne manquent pas et je ne crois pas être le seul à rencontrer de telles situations.


“Elle (la Formation PSSM) m’a
permis de faire de moments que j’aurais pu vivre comme des moments subis, des moments où je me dis que j’ai été utile.”

Sylvain Agier
Secouriste en santé mentale et formateur PSSM en interne chez Mutualité Française


A chaque fois, j’ai réagi avec mes capacités et mes fragilités sur le moment, avec ce que j’étais. Je n’ai jamais vraiment eu conscience d’appliquer la méthode AERER. Pourtant, je me rends compte qu’elle est de plus en plus présente dans ma manière d’agir. Dans ces moments où cela me rassurerait de m’auto-convaincre que ça irait pour la personne en mettant les réponses que je voudrais entendre dans les questions que je posais, le fameux « non, mais rassure moi… ? », je la laisse me dire ce qu’elle ressent vraiment. Je l’écoute beaucoup plus et ce faisant elle comprend que je suis disponible pour l’aider.

Pour la dame qui évoquait son cancer, par exemple, je l’ai écouté, elle m’a fait part de son anxiété. Pour la réconforter, je lui ai parlé du bon pronostic de survie dans le type de cancer qui la touchait. Lorsqu’elle m’a dit sa crainte du regard de ses enfants et de la peur qu’elle pensait provoquer chez eux quand elle perdrait ses cheveux et qu’ils la verraient diminuée, je lui ai dit tout le travail formidable réalisé aujourd’hui par les socio esthéticiennes et que parce qu’elle n’allait rien lâcher face à la maladie, elle serait pour ses enfants un exemple de combativité. Je lui ai aussi parlé des associations qui proposaient gratuitement des soins de support avec l’appui de psychologues, juristes, professeurs d’activité physique adaptée, diététiciens… et des échanges qu’elles pourraient avoir avec d’autres femmes également confrontées au cancer. Quelques jours plus tard, j’ai reçu un message de remerciement de cette dame. Elle m’a dit combien ça lui avait fait du bien de parler avec moi et qu’elle allait se battre.

C’est vraiment gratifiant de se dire qu’à un moment, on a pu aider. La formation PSSM m’a apporté, je pense, plus de compétence pour aider correctement. Elle m’a permis de faire de moments que j’aurais pu vivre comme des moments subis, des moments où je me dis que j’ai été utile.

D’un point de vue personnel, que vous a apporté cette formation de secouriste en santé mentale ?

Ma pratique professionnelle qui consiste à agir sur des comportements de santé m’a conduit à m’intéresser à la santé mentale sous l’angle de la recherche. J’avais envie de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre et tout en travaillant, j’ai passé un doctorat en psychologie clinique.

Puis il y a eu la COVID et en parallèle un regain d’intérêt des populations le « développement personnel ». Je regardais les dérives de certains praticiens qui se positionnaient sur le champ de la santé mentale et c’est à ce moment que l’on m’a parlé de la formation PSSM. Une formation de 2 jours seulement ! J’en avais une représentation erronée, j’étais méfiant et curieux à la fois.

Puis je me suis dit que j’avais bien fait une formation au secourisme physique qui n’était pas plus longue et m’avait pourtant apporté beaucoup. En suivant la formation, j’ai constaté qu’elle n’était pas centrée sur le curatif et qu’elle permettait d’acquérir des connaissances, des outils pour arriver à mieux prendre soin les uns des autres dans une démarche d’intervention précoce.

Je viens de la prévention, je m’intéresse aux soins, mais je ne m’étais jamais vraiment questionné sur ce temps d’intervention décisif. J’ai découvert des méthodes et cette formation m’a surtout permis d’organiser mes connaissances pour les utiliser au bon moment en me positionnant comme il faut pour être un soutien, laisser la personne actrice de sa santé et la guider vers des éventails de ressources disponibles dans lesquelles elle pourra elle-même faire ses choix.


“En suivant la formation, j’ai
constaté qu’elle n’était pas centrée sur le curatif et qu’elle permettait
d’acquérir des connaissances, des outils pour arriver à mieux prendre soin les uns des autres dans une démarche d’intervention précoce.”

Sylvain Agier
Secouriste en santé mentale et formateur PSSM en interne chez Mutualité Française


La formation ne confisquait pas la santé mentale, elle ne l’enfermait pas dans un « Problème » relevant uniquement de spécialistes. Elle en faisait l’affaire de tous en soulignant que c’est par une approche collective en nous associant, en luttant contre les stigmatisations que nous pouvons créer des environnements, des cadres de vie favorables pour la santé mentale.

J’ai adhéré au discours et suis devenu formateur accrédité PSSM en me disant qu’il me fallait arrêter de tourner la tête ou de mettre la santé mentale dans des cases. Nous avons tous un rôle à jouer !

La formation m’a également donné envie d’aller plus loin, d’innover. Je regarde actuellement du côté de la psychologie du développement, du travail des sages-femmes et autres professionnels de la petite enfance, de la communication parents / enfants, pour essayer de construire des premiers secours en santé mentale des tout-petits. Cela implique des méthodes d’intervention différentes, un travail sur leur environnement, c’est passionnant !

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