La santé mentale des jeunes et notamment des étudiants s’est dégradée ces dernières années. Quelles actions de prévention sont mises en place sur le terrain ? Harmonie Lekim est secouriste en santé mentale et travaille à la SMERRA, la protection sociale des étudiants (80 000 étudiants en France). Elle partage son retour d’expérience.
Crise du Covid-19, précarité étudiante, pression de résultat, remboursement de prêt étudiant… Les facteurs de déclenchement d’un trouble de santé mentale dans la vie étudiante sont nombreux. Selon une étude Axa Prévention « 56 % des moins de 25 ans sont en état de détresse psychologique »1 en 2024.
En parallèle, la formation PSSM Jeunes rencontre un succès croissant depuis sa création en 2022. Cette formation se concentre spécifiquement sur le développement de l’adolescent et s’adresse en particulier aux adultes vivant ou travaillant avec des adolescents (collège et lycée) et jeunes majeurs.
Les actions concrètes de la SMERRA en matière de prévention pour la santé mentale des étudiants
Harmonie Lekim est responsable prévention et promotion de la santé au sein de la SMERRA, la protection sociale des étudiants et secouriste en santé mentale depuis 2023.
Harmonie partage son retour d’expérience en tant que secouriste en santé mentale auprès du public étudiant et présente les actions de préventions de la SMERRA en matière de santé mentale.
Comment la SMERRA s’engage-t-elle dans la protection de la santé mentale de son public ?
C’est dans le contexte des résidences pour étudiants en 2020, à l’heure des premiers confinements liés à la crise sanitaire, que le besoin de soutenir spécifiquement la santé mentale des étudiants est devenu criant.
Souffrant de leur isolement, leurs difficultés ont commencé à se manifester, notamment auprès de mes collègues intervenant en résidences, qui tâchaient de les aider dans la limite de leurs propres moyens, en s’impliquant personnellement et émotionnellement.
Alors l’entreprise s’est saisie de la question. Dans un premier temps en proposant aux personnels en résidences étudiantes une infographie, guide pour mener une conversation avec une personne qui exprime une souffrance.
Cette infographie présentait des clés pour :
- Entamer la conversation
- Adopter la bonne posture
- Recueillir des informations (d’ordres psychosociales et médicales)
- Encourager et réorienter
- Prendre des nouvelles
Pour accompagner ce guide, des temps d’échanges en visio ont été organisés. Ils rassemblaient les personnels de tout le territoire, pour permettre de décompenser autour des situations rencontrées et d’identifier ensemble des solutions pour accompagner efficacement les étudiants.
Pour approfondir cette démarche, l’année suivante, la SMERRA et PSSM France se sont rapprochés pour s’engager ensemble dans cette intention.
L’objectif était de déployer la formation de secouristes labellisés PSSM auprès de 3 acteurs clés :
- Professionnels intervenants dans les résidences pour étudiants
- Professionnels impliqués dans des interventions auprès des étudiants
- Responsables d’associations étudiantes partenaires
Cela représente un outil indispensable pour orienter correctement les étudiants, mais aussi pour que nous-mêmes, en tant qu’intervenants auprès d’eux, nous ayons l’engagement nécessaire, suffisant et mesuré pour le faire.
Comment s’inscrit la formation PSSM dans la politique de la SMERRA, ou plus largement au sein dE son réseau de 80 000 étudiants ?
Cet engagement de la SMERRA pour la santé mentale des étudiants s’inscrit dans une mission globale de Prévention et Promotion de la Santé.
En effet, la SMERRA conçoit, met en œuvre et évalue des interventions en prévention et de promotion de la santé dans une vision globale de la santé, couvrant un large panel de déterminants de la santé.
L’objectif général est d’améliorer les conditions de santé et le bien-être des jeunes scolarisés en établissements d’enseignements secondaires et supérieurs.
Ces interventions s’intéressent aux sujets d’intérêt pour ce public :
- l’alimentation et l’activité physique
- les conduites addictives
- les usages du numérique
- la vie affective et sexuelle…
Elles s’appuient sur différents leviers transversaux tels que :
- la réduction des inégalités sociales de santé
- le questionnement des représentations et la lutte contre la stigmatisation
- une approche territoriale riche de partenariats intersectoriels
- la participation et le développement du pouvoir d’agir des publics cibles notamment par le développement de leurs compétences psychosociales
- l’investissement dans leurs environnements dans une vision systémique
- l’aller-vers et la médiation par les pairs
- l’accès et l’appropriation des informations
- l’action au plus précoce et au carrefour de différentes tranches d’âges
En tant que secouriste en santé mentale, comment intégrez-vous les compétences acquises lors de la formation dans votre quotidien professionnel ?
Dans ma pratique, lorsque j’interviens auprès des jeunes, je suis très attentive aux comportements, réactions et propos des participants. C’est essentiel dans le cadre d’une animation collective en éducation pour la santé, afin d’intégrer chaque participant et d’assurer le fonctionnement du groupe.
Depuis que je suis secouriste en santé mentale, je trouve que je suis davantage attentive aux signes de vulnérabilité psychique. Cela m’aide, dans mes interventions collectives, à ne pas aller dans des échanges qui pourraient insécuriser le groupe ou certains de ses membres.
J’ai aussi de meilleurs réflexes lorsque des participants emploient des propos stigmatisants à propos de la santé mentale. Dans une posture pédagogue, je trouve plus facilement les mots pour amener plus d’empathie et de compréhension du sujet.
>>> Consulter les carnets du secouriste en santé mentale
Avez-vous un exemple de situation où la formation PSSM vous a été utile ?
Avant la formation, à l’occasion d’une intervention en classe de lycée, nous abordions le sujet du harcèlement et une élève a eu une forte réaction émotionnelle : elle exprimait une importante détresse psychique à ce sujet. Elle a demandé à quitter temporairement la pièce.
Une fois la séance terminée elle m’a prise à part pour m’expliquer sa réaction. A l’époque je n’avais pas les outils pour avoir cette discussion de façon efficace. J’ai pu la rassurer tant que j’ai pu et l’inviter à en discuter avec l’infirmière scolaire. Je suis partie avec le regret de n’avoir pas su aider, de ne pas être allée au bout des choses…
La formation PSSM permet d’avoir une « trame » de discussion efficace. On sait quoi demander et ce qu’il faut repérer. On sait comment guider et orienter sans s’impliquer personnellement et émotionnellement (grâce à cette casquette [de secouriste] que l’on revêt).
Aujourd’hui grâce à la formation je sais comment je dois réagir si la situation se présente à nouveau.
Y a-t-il un trouble psychique que vous identifiez plus particulièrement ou plus fréquemment auprès des étudiants avec qui vous êtes en contact ?
Il y a une multitude de profils d’étudiants, la liste des spécificités est longue :
- ceux qui étudient en milieu rural
- ceux qui étudient en milieu urbain
- ceux qui étudient à distance
- Les décohabitants ou non (ceux qui quittent le domicile de leurs parents)
- les étudiants internationaux
- les études courtes ou longues
Les étudiants sont exposés à des facteurs de risques bien spécifiques également :
- la prise d’autonomie (dans ses habitudes de vie, de consommations, ses comportements…)
- les périodes d’examen et/ou de concours
- l’entrée dans l’âge adulte et dans la vie professionnelle
C’est un public qu’il faut savoir cerner ! Spécifiquement pour eux, je félicite les dispositifs et projets portés par Nightline. On peut également féliciter le dispositif Santé Psy Etudiant, et, bien évidemment, la formation PSSM qui se déploie au sein de ce public grâce à l’engagement des établissements pour la santé mentale de leurs étudiants.
Considérant les caractéristiques des étudiants et les ressources disponibles, la SMERRA va chercher à proposer de la complémentarité et une certaine linéarité entre la prévention et l’accompagnement d’une problématique aussi bien en santé mentale qu’en santé de manière générale.
C’est pour cela que nous nous engageons d’une part sur des actions plus précoces, dans le secondaire en collèges et lycées, notamment par des animations impliquant le développement des compétences psychosociales (avoir un esprit critique, gérer son stress et ses émotions, avoir conscience de soi, communiquer efficacement…) et d’autre part dans le supérieur, sur les lieux d’études, d’habitations, de sociabilisation, etc.
“La formation PSSM permet d’avoir une « trame » de discussion efficace. On sait quoi demander et ce qu’il faut repérer. On sait comment guider et orienter »
Harmonie Lekim
Secouriste en santé mentale
D’un point de vue personnel, que vous a apporté cette formation de secouriste en santé mentale ?
Au-delà de l’apport concret de connaissances, sur les signes et symptômes inhérents à différents troubles psychiques, ce que j’ai développé de plus utile avec cette formation c’est ma compréhension des enjeux de la stigmatisation.
Chacun est influencé par ses représentations culturelles, familiales et sociales donc chacun va percevoir la santé mentale à sa manière. En tant que secouriste, j’ai appris à déconstruire, avec mon entourage, ce qui pouvait nuire à l’expression et la détection d’un mal-être, sans culpabilité ni moralisation. J’ai remarqué qu’en ayant cette attitude, la parole était plus libre sur la question, de ma part, de la part de celle de mes proches et collègues. Je suis très enthousiaste à l’idée que la déstigmatisation de la santé mentale soit en marche !
La SMERRA, protection sociale pour les étudiants
Depuis 50 ans, la SMERRA est présente sur l’ensemble du territoire métropolitain et œuvre pour couvrir les besoins des étudiants en matière d’assurances et de garanties complémentaires entièrement adaptées à leurs environnements d’études et de vie.
Elle conduit également des actions de prévention et de promotion de la santé auprès des élèves du secondaire et des étudiants du supérieur. Fidèle à ses convictions dans le domaine de l’Economie Sociale et Solidaire, la SMERRA s’engage pour améliorer la santé et les conditions de vie des étudiants.
La SMERRA représente 80 000 adhérents mais n’intervient pas exclusivement auprès d’eux.
Grâce à son expertise du monde étudiant, la SMERRA propose aujourd’hui une offre de logements sous les marques LOGIFAC et FAC-HABITAT représentant près de 18 000 logements, partout en France. Implantées à proximité des campus, équipées ou meublées et éligibles aux aides au logement, les résidences LOGIFAC et FAC-HABITAT sont adaptées aux besoins des étudiants.
Etudiant et secouriste en santé mentale : ils témoignent
Les formations PSSM Jeunes sont dispensées dans plus de 30 universités et établissements d’enseignement supérieur sur le territoire. Professeurs, personnel administratif, personnel médical, étudiants… Toute personne amenée à évoluer dans l’environnement universitaire peut être formée si elle le souhaite.
En France, plus de 3 000 étudiants sont formés aux Premiers secours en santé mentale et ont les clés pour aider les autres étudiants en souffrance.
“J’ai appliqué la méthode AERER avec deux amis qui sont étudiants comme moi. L’un a des idées et comportements suicidaires donc j’ai pu l’écouter activement et lui poser des questions claires pour l’orienter facilement vers des plateformes d’écoute (Nightline, SOS Suicide Phenix) et des professionnels (psy, médecin). L’autre personne a des troubles anxieux et a un antécédent de tentative de suicide donc j’ai pu lui transmettre des ressources comme le 3114 et reparler de son suivi psy et l’écouter sur ses ressentis. .«
Marine
Secouriste en santé mentale
“Je suis également initié aux premiers secours [physiques] mais je n’ai eu que rarement l’occasion de les mettre en pratique. En revanche, j’applique la formation PSSM toutes les semaines ou presque, même si c’est malheureux à dire. Nous sommes tous amenés à aider des proches dans notre vie quotidienne.«
Louis
Secouriste en santé mentale
Plusieurs établissements ont fait le choix de former une personne en interne en tant que formateur accrédité PSSM France. Ainsi, l’organisation des sessions de formation peut s’adapter aux besoins et contraintes de l’établissement afin de favoriser le déploiement du secourisme au sein de l’établissement.
La meilleure connaissance des troubles en santé mentale couplée à l’apprentissage d’un plan d’action précis à dérouler permet de contribuer à ouvrir plus facilement le dialogue dans le milieu étudiant.
Pour aller plus loin :
Dossier spécial santé mentale jeunes
Une discussion avec Nightline, l’association pour la santé mentale des étudiants
La santé mentale à l’école, entretien avec un inspecteur académique
Alcool : comment réduire sa consommation ?
- https://coreaxaprevention.cdn.axa-contento-118412.eu/coreaxaprevention/788830fc-070e-4752-8536-84a917486bee_CP+AXA+Pr%C3%A9vention+Sant%C3%A9+Mentale+.pdf ↩︎